Un projet clivant, illusoire et construit pour l’élite Rennaise

Le 06/05/2022

La FDSEA 35 fait suite à la publication récente du Projet « Pour une agriculture et une alimentation durables » élaboré par Rennes Métropole.
Ce document amène, en effet, plusieurs questionnements et remarques (cliquez-ici pour consulter le document).

L’ambition de se préoccuper de l’alimentation de ses administrés aussi bien par la restauration scolaire que l’alimentation proposée dans les différents circuits de distribution, est légitime pour une collectivité telle que Rennes Métropole. 

Néanmoins, cette ambition ne doit pas se faire sans y associer TOUS les acteurs. Nous avons en effet le sentiment que ce projet, sous couvert de concertation a été construit par et pour des élites. Bien que nommée comme partenaire de l’élaboration du projet, la FDSEA n’a participé qu’à la conférence de restitution proposée le 2 décembre 2021. Cela ne constitue pas une réelle concertation. La FDSEA ne souhaite donc pas être associée au document final.

L’ambition affichée de mettre en avant une alimentation et une agriculture durables ne peut pas être contestée. Par contre, il nous semble grave, de dénigrer une majeure partie des agriculteurs du territoire de Rennes Métropole en ne mettant en avant QUE l’agriculture biologique. Une telle position est clivante et non constructive. En effet, Rennes Métropole considère ainsi que les produits issus des fermes conventionnelles ne sont pas sains. La FDSEA ne peut accepter une telle orientation.

Nous sommes convaincus qu’il y a de la place et des marchés pour tous les modes de production et pour toutes les productions animales et végétales. C’est d’ailleurs cette diversité qui fait la richesse et la dynamique du territoire de Rennes Métropole. Rappelons que la France dispose de l’agriculture la plus sûre et diverse au Monde. Elle est même la plus durable au monde. (source : The Economist )

La FDSEA souhaite marquer son désaccord avec le projet présenté, notamment sur les thématiques suivantes :

  • L’utilisation des produits phytosanitaires :

L’ambition affichée d’interdire tous les produits phytosanitaires de synthèse en 2030 est démagogique et populiste. Nous souhaitons ici rappeler l’expérience du Sri Lanka qui après avoir fait le choix du « Zéro phyto » revient aujourd’hui en arrière afin de pouvoir nourrir sa population.

Dans une logique de cohérence, cette ambition devrait se doubler d’interdire tous les produits commercialisés dans les pharmacies, qui eux aussi viennent de l’industrie chimique. Qui plus est, ces médicaments sont ingérés par l’être humain. L’utilisation de produits phytosanitaires ne se fait pas à la légère dans les fermes. Elle est très encadrée et les agriculteurs et agricultrices y ont recours de façon raisonnée.

 

Dans sa démarche « non concertée » et de fait dans son document, Rennes Métropole ignore que notre réseau a mis en place le Contrat de Solutions : programme proposant aujourd’hui 105 fiches qui permettent de réduire voire supprimer certains produits phytosanitaires. Il faut plutôt rechercher un compromis entre santé, niveau de production et économie. On ne peut pas interdire les traitements si on n’a pas d’alternatives.

Il est aussi nécessaire de rappeler que l’application de ces produits est réservée aux professionnels que sont les agriculteurs (via le passage du Certiphyto). De plus, ils doivent être appliqués par conditions météorologiques spécifiques, avec des matériels contrôlés régulièrement. Depuis de nombreuses années, les paysans font évoluer leurs pratiques ce qui a conduit à une réduction des usages des produits les moins bien classés.

Enfin, il est aussi important de rappeler que l’agriculture biologique utilise des produits de traitement des cultures et des animaux. Le « naturel » ne veut pas dire « pas dangereux » !

Décider d’interdire les produits phytosanitaires de synthèse à l’horizon 2030 nous paraît illusoire. Cette décision aura des conséquences sur la capacité à nourrir des habitants du territoire, mais aussi conduira au recul des parcelles occupées par les cultures et prairies qui font la richesse du territoire de Rennes Métropole !

  • L’existence d’une économie de marchés :

Le territoire de Rennes Métropole a su produire des aliments pour nourrir la population et plus, étant donné les capacités de nos sols et du climat qui le permettent. C’est une chance que nous avons. Certaines régions de France, d’Europe et du monde n’auront jamais cette capacité à s’autosuffire. C’est d’autant plus crucial que des conflits entre pays, type Russie -Ukraine, vont affamer rapidement certaines zones déjà fragiles. Vous avez écrit « page 9 » du projet que la Bretagne ne doit pas fragiliser l’exportation de produits agricoles et alimentaires, poumon économique de la région. Cette affirmation mérite des explications. On ne comprend, en effet, pas le lien entre cette position et le reste du document, qui est basé sur un mode de production unique qui fera chuter les rendements, donc la production globale par l’hégémonie d’un modèle décroissant.

Le repli sur soi prôné par la décroissance aura sans aucun doute des conséquences dévastatrices sur tous les élevages et notamment sur l’élevage bovin et laitier, encore majoritaire sur le territoire de Rennes Métropole, avec comme conséquence directe la disparition des prairies.

Le marché des produits biologiques se situe aujourd’hui autour des 10%. Il est en berne depuis quelques mois sans doute en lien avec la crise du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, les magasins spécialisés en Bio et certains magasins de vente directe et/ou circuits courts sont impactés. Quelles propositions faites-vous aux 90 % restants qui par leurs productions nourrissent la majorité de la population ?

  • Le volet Social

Lors des ateliers du 2 décembre 2021, nous avons bien compris que les demandes d’aides alimentaires pour les plus démunis ont augmenté de 33 %. Dès lors, comment proposer une alimentation à tarif abordable avec uniquement des produits issus de l’agriculture biologique, qui eux coûtent 20 à 100 % plus chers que des produits issus de l’agriculture conventionnelle mais pour autant raisonnée. 

 

  • La gestion du foncier 

Les agriculteurs sont des chefs d’entreprise. Leur métier est de mettre en valeur des terres pour nourrir les hommes ou des animaux qui nourriront les personnes. Ces terres sont propriétés d’eux-mêmes ou de propriétaires indépendants. La volonté d’une collectivité d’acquérir ce foncier pour y installer « ses  » agriculteurs nous questionne.

Nous ne sommes pas opposés à une gestion concertée du foncier dès lors que la liberté d’entreprendre est respectée. Le fait d’acquérir du foncier pour y installer de futurs agriculteurs et agricultrices doit être conditionné à un projet économiquement viable. Avec le recul, on constate en effet que les installations sur de petites surfaces en maraichage et/ou production animale avec vente directe sont plutôt le fruit de projets de vie que de projets d’entreprise. A notre sens, la collectivité a vocation à aider des entreprises viables et durables qui font vivre l’économie locale.

 

Vous l’aurez donc compris, la FDSEA 35 ne cautionne pas le projet agriculture et alimentation durables publié, estimant qu’il est clivant, construit par et pour une élite Rennaise et qu’il ne pourra pas conduire au développement durable du territoire.

Rennes Métropole doit-elle se substituer aux outils existants comme la Chambre d’agriculture, structure représentante de TOUS les agriculteurs et agricultrices, sur l’accompagnement des transitions à venir ?

 

La FDSEA 35 reste ouverte pour en échanger dans une logique d’écoute et de construction.

 

Cédric HENRY

Président de la FDSEA 35

 
  
Fdsea35